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Le faux ou… la disparition annoncée d’un vrai passé



Au début était un extraordinaire passé

Le pays de Pilat ! Cette contrée dispose d’autant de superbes paysages que de pages à son livre d’Histoire et … d’histoires. Ces propos pourraient être perçus avec un arrière fond chauvin, et ce serait sans doute un peu vrai, car après tout, qui n’est pas fier de son pays natal ? Et nous pourrions simplement dire que cette région est aussi belle que toutes les autres régions de France et ce n’est sans doute pas peu dire. Quant à son passé, à son Histoire, et bien, ce pourrait être la même façon de l’envisager en disant que le temps s’y est écoulé pour les humains avec leurs peines, leur joie, leurs espoirs et les périodes de grandes calamités. Il en sera tout autant des aspects mythologiques, traditionnels et insolites. L’art sous toutes ses formes, des plus primitives aux plus contemporaines, est présent dans chaque commune de ce pays. Ainsi s‘offre au curieux, au touriste, au chercheur, tout un choix de peintures, sculptures, constructions et vestiges divers. Un pays de cocagne de la culture ? En quelque sorte, oui… mais surtout une région où il y eut peu de saccages ou grandes vagues dévastatrices… une région où également, par chance, nos ancêtres ont été à la fois conservateurs et respectueux- ou superstitieux- de la mémoire de leurs anciens… Tout ceci explique une richesse quand même inhabituelle dans le domaine du passé de l’homme dès ses plus lointaines origines… pour la plus grande joie des spécialistes du passé, qu’ils soient professionnels ou amateurs… surtout amateurs (amateur = celui qui aime)! Certes, la fièvre révolutionnaire a bien ça et là dévasté un peu ce passé… Mais ce sont surtout les facettes religieuses et nobiliaires qui en firent les frais. En fin de compte, le patrimoine culturel régional s’est plutôt bien tiré de ces passages d’obscurantisme et de violence gratuite. Il reste quasiment tout du passé du massif du Pilat, pour peu que l’on se donne la peine de le regarder.

Survol au-dessus du patrimoine

Ce passé local et patrimonial, s’il ne nous est pas complètement connu par le détail, nous le connaissons partiellement sur plusieurs points de cette région. En effet, nous avons déjà fait quelques incursions dans ces lointaines manifestations cultuelles et culturelles de l’Homme… Ste Croix en Jarez, Malleval, le menhir du Flat, la montagne de St Sabin, Lupé (pour ne citer que ceux-ci)… ne sont qu’une très infime partie de ce trésor de mémoire, et encore n’avons-nous fait qu’effleurer le contenu de ces sites magnifiques sur lesquels, ainsi que sur bien d’autres, nous reviendrons plus tard plus en détail.

L’injure du temps




Malleval

Et tout pourrait en rester à ce stade. L’art s’est manifesté dans ces contrées le plus souvent selon des aspects populaires, rustiques et traditionnels, pour ne pas dire folkloriques, au sens noble du mot. Seulement, à l’étude, nous voyons l’essentiel de cet art remarquable dater d’un lointain passé… et commencer à souffrir de son âge respectable. Il pouvait, alors, y avoir lieu de s’inquiéter des effets désastreux de cette ‘usure’ logique sur ces vénérables témoins condamnés, à plus ou moins longue échéance, à s’effacer puis disparaître… Au grand soulagement de tous, les autorités décidèrent de stopper net cette déchéance attendue. Par chance, l’intérêt des services fonctionnaires compétents en matière de restauration des œuvres du Patrimoine, s’est porté sur des sujets nous intéressant considérablement. De fait, peu à peu, certaines peintures, sculptures, fresques et objets reçurent un bain de jouvence bien mérité. Nous savons tous que ces minutieux travaux de rénovation sont longs et fastidieux. Aussi fallut-il patienter pour que ces émouvants témoins, de nouveau enfin prêts à affronter les injures du temps, reviennent là où des générations avaient pu les contempler ou leur vouer un culte respectueux.

Que sont ces œuvres en voie de restauration ?

A ce stade, marquons une petite pause dans cette série d’heureux dénouements marquant le sauvetage de ces œuvres locales dont certaines datent de nombreux siècles. En effet, après avoir applaudi à ces heureuses initiatives, regardons ce qu’elles sont, et dans quelle grande catégorie nous pouvons entrer celles qui nous intéressent particulièrement. Très vite, nous voyons qu’il y a une majorité d’objets entrant dans la statuaire religieuse populaire. Il est certain que de tous temps les ‘patrons et patronnes’, en matière de tradition religieuse, tinrent un rôle majeur dans l’espoir et la vénération de nos ancêtres… comme nous le verrons au fil des prochains travaux à venir. Ensuite, il y a des vestiges de pierres, des sculptures, des bâtiments même, que nous dirions ‘profanes’, publics ou particuliers… Enfin, nous trouvons des peintures et des fresques. Cependant, à mieux s’y attarder, nous constatons que ces témoins émouvants entrent également dans une catégorie que nous pourrions appeler ‘hermétique’, et ceci mérite une petite explication.

Les étages oubliés d’une œuvre ouverte

Il s’agit le plus souvent d’une œuvre à plusieurs ‘étages’ permettant d’utiliser différents niveaux ou aspects. Une première étape est celle visible par tous et immédiatement acceptable dans sa généralité. Par exemple, un saint, une sainte, dont la présence, en un lieu précis, n’a rien de plus que la fonction qu’on attend d’elle en matière de religion. Cette dimension, le plus souvent, est celle de la superstition, ou de la croyance religieuse, tournée vers le personnage vénéré : St Antoine de Padoue invoqué pour les objets perdus… pour ne citer que ce patron. Ensuite, si ce dernier doit illustrer une autre représentation, il dispose d’un détail particulier, une orientation, un emplacement spécifique… Parfois, aussi, le lieu, le bâtiment, le sanctuaire où on vient l’implorer sont la finalité de sa présence. Il peut s’agir en ce cas d’une sorte de témoin, de jalon sur un parcours, ou encore un signal, destinés à l’usage de l’initié qui saura en saisir la signification cachée. Dans le terme ‘hermétique’, choisi pour illustrer notre exemple, nous nous gardons bien de vouloir à tous prix donner une dimension ‘occulte’ ou ‘magique’ à notre explication. Ce terme signifie, ici, seulement l’aspect d’un élément non destiné au profane, mais à un initié, tout en pouvant rester dans le strict usage religieux admis… voire encouragé par l’Eglise. Ce sera le cas pour St Jacques dont la statuaire, sous de nombreuses formes, orne souvent les lieux d’étapes du fameux pèlerinage vers Compostelle. L’initié parcourant ce périple s’identifie au personnage, et se sait sur le bon chemin en le retrouvant ici ou là. Localement, un reliquaire, par exemple, apporte une autre dimension miraculeuse et ponctuelle… Une troisième dimension peut également parfois être lisible pour un choix, plus restreint encore, d’initiés. C’est le cas pour un lieu autrefois localement destiné à un culte païen très particulier. L’Eglise à chaque fois « joue gagnante ». D’abord, en sacralisant un site voué à d’antiques cultes (druidiques, gaulois, celtes, romains, autres)… ensuite, en justifiant la superposition par un autre culte miraculeux mais catholique (souvent aux époques des évangélisations). On retrouve aussi ce phénomène caractérisé pour Ste Madeleine, Ste Barbe et St Michel… pour ne citer qu’eux ! Cette remarque est la même, dans son fond, pour les peintures, objets, sculptures et autres.




Dans le principe était la surprise

Nous voici maintenant revenus, après ce court aparté, à l’instant où les services fonctionnaires spécialisés interviennent pour les remises en état annoncées. Nous avons là à faire à des spécialistes en matière de restauration, choisis selon l’objet. La prise en charge du sujet ne peut que s’envisager dans une confiance absolue du résultat attendu : rénovation à l’identique ! L’objet étant rarement traité sur place, sauf s’il s’agit d’une fresque murale, sur laquelle nous reviendrons bientôt, il quitte son lieu habituel pour les ateliers, ouvriers et soins compétents. Et tous d’attendre les effets de l’alchimie du bain de Jouvence… Quelques mois plus tard, l’œuvre rejoint son emplacement d’origine, en principe aussi émouvante qu’à son premier matin… En principe !... en principe seulement car nous allons trouver en plusieurs occasions de quoi nous poser des questions sur ces travaux. Certes, pas un instant, la qualité ni la minutie des interventions, ne seront mises en doute ou en cause…. Il est incontestable qu’il s’agit bien d’un travail de professionnel de l’art. Et, pour le touriste, le curieux superficiel, ou celui qui ne connaissait pas le sujet original, il n’y a rien à redire et même il y a de quoi rester admiratif… Tout est parfait ! L’ennui est, cependant, pour celui qui avait eu la bonne idée de mémoriser l’objet avant sa ‘restauration’, car sa surprise est de taille. En effet, photographies à l’appui, on s’aperçoit très vite que si le travail reste irréprochable, le respect du modèle primitif, lui, n’est pas toujours au rendez-vous, loin s’en faut ! Il faut ajouter que chaque fois ‘on’ nous assure que la restauration se fait à l’identique… alors, nous pouvons nous poser quelques questions et nous demander ce qu’il peut bien se passer pour que certains vestiges ne sortent jamais identiques à leur passé.

De fâcheuses habitudes



St Croix en Jarez

Soit ces services compétents pourraient invoquer ne pas avoir d’archives photographiques de ces objets… et nous répliquerions qu’à ce moment il suffit de photographier le sujet à son arrivée ou avant les travaux… et le reproduire selon ces documents. A ce stade, ce genre de ‘manque’ reste une anomalie… mais après plusieurs, l’anomalie deviendrait une fâcheuse habitude ! Soit il peut s’agir d’une négligence, à un moment donné, de la ‘chaîne’ au sein des services compétents… et ceci nous étonnerait grandement pour de tels spécialistes. Pourtant, si nous acceptons volontiers un incident ‘négligence’ pour une des œuvres… après plusieurs négligences, cela deviendrait une fâcheuse habitude ! Le modèle pourrait ne pas plaire à celui chargé de le rénover, et il décide unilatéralement contre toute attente de le modifier. Sur un seul modèle, nous nous étonnerions de ce procédé peu orthodoxe mais nous le considérerions comme un rare cas d’exception… mais, après plusieurs ‘modifications unilatérales’, cela nous semblerait une fâcheuse habitude ! Il resterait la possibilité qu’aucune directive particulière ne soit donnée pour ces travaux, et qu’ils soient laissés à l’initiative du goût de l’expert… notre surprise irait grandissante sur un seul cas… mais, le fait de plusieurs ‘initiatives’ deviendrait une fâcheuse habitude !

Premiers petits constats

Alors, que se passe t-il ? Oui, nous pouvons, à juste titre, nous poser cette question car, par manque de chance pour ces ‘services compétents’, nous connaissons bien ces œuvres depuis des années. Depuis ce temps, nous en détenons de nombreux anciens clichés montrant, s’il le fallait encore, qu’il y eut transformation du modèle ! Cette transformation est invisible pour le visiteur face au sujet pour la première fois. Elle se situe dans les couleurs, parfois les formes, les suppressions, rajouts ou modifications notoires et curieuses. Il peut s’agir également d’un changement arbitraire du lieu où se trouve l’œuvre. Face à une telle méthode, tout un chacun peut s’étonner de ces ‘libertés’ prises depuis des objets visibles par un large public, sans qu’aucune explication ne soit donnée. Dans un premier temps, nous donnons une première liste, malheureusement non exhaustive, que chacun pourra alors vérifier :



-Site de St Sabin : Les deux statues (couleurs des vêtements modifiées et accessoires changés) dans la chapelle. Le tableau de St Sabin qui une fois restauré n’est pas remis à sa place initiale.

-Site de la chapelle de Ste Madeleine : Le tableau volé est remplacé non pas à l’identique mais par une copie réputée ‘conforme à l’originale’ qui en modifie certains ‘détails’.

-Site de la chartreuse de Ste Croix en Jarez : Les têtes de pierre (non recolorées comme à l’origine) dans la cuisine des pères. Les fresques murales sur lesquelles nous préparons un article. Disparition de ‘certains’ objets religieux datant des derniers chartreux, sur lesquels nous reviendrons.

-Site de l’église de Pélussin ‘d’en bas’ : Modification de la vierge ancienne de ‘Nostre Dame de Soubs Terre’ qui, de couleur noire à l’origine, a été ‘lavée’, pour être ‘blanchie’, il y a de nombreuses années !

-Site de la ‘maison d’été’ des chartreux de Praroué : La curieuse modification, il y a certes très longtemps, de plusieurs tableaux… sur lesquels nous ne manquerons pas de revenir plus tard.

Ajoutons, maintenant, des sites où les ‘experts’ ne sont pas intervenus directement, mais où rien ne fut fait par les autorités ‘compétentes’ pour arrêter la dégradation ou la mise ne place d’une archive photographique pour en assurer le témoignage.

-Site de St Sabin : Ajout d’une gravure d’un motif (entrelacs) de surface appréciable, sur un bloc rocheux dans ‘l’enceinte’, il y a moins de vingt ans…

-Site du menhir du Flat. Des cupules rebouchées au ciment ou carrément modifiées. Destruction des enceintes.

-Site de Champailler. Une construction, dans le village, qui contenait de nombreuses sculptures gothiques dans un état de rare conservation… fut laissée dans un état d’abandon tel que cette partie (et uniquement celle-ci) finit par s’effondrer.

-Site du château des Chances. Effondrement d’une tour dont nous avions signalé une particularité architecturale rare dans la région. Disparition de pierres sculptées et datées dont nous avions donné la localisation exacte sur le site aux autorités.

« C’est la faute à personne! »… ou le savoir qui s’éteint

Nous n’accusons surtout pas de négligence, ou de volonté de modifier quoi que ce soit, le moindre service privé ou spécialisé. Nous constatons seulement les résultats avec une surprise qui ne semble pas anormale en la circonstance. De plus, souvent, ce sont des jalons culturels très particuliers d’un savoir ancien qui s’effacent sous les effets d’une rénovation au départ annoncée, sans doute, en toute bonne foi… Cependant, il faut ajouter que ces ‘effacements’ rompent irrémédiablement toute une chaîne d’un précieux savoir dont l’accès était assuré par ces jalons fabuleux. Le but principal de ces travaux est de permettre de prolonger dans le temps la vie de ces œuvres. Pourtant, paradoxalement, ces rénovations privent à jamais ces rustiques supports culturels d’une partie, sans doute la plus importante, qu’ils avaient mission de protéger et perdurer à l’attention des générations montantes. Si ces ‘témoins’ avaient fini par disparaître sous l’effet d’une usure naturelle, d’un abandon, d’un incendie ou de l’oubli, le résultat, pour autant qu’il serait regrettable, serait acceptable dans sa fatalité. Maintenant, que pouvons-nous penser face à ces modifications qui faussent à jamais la suite de la transmission d’un ‘savoir’ dont nous n’avons pas jugé de l’opportunité… surtout si ces changements sont quasiment le résultat d’une action concertée sous motif d’heureuse initiative. Si véritable hasard il y a dans cet empilage de circonstances, il a de quoi nous laisser pantois !

Le silence des agneaux ?



Tableau Marie Madeleine, Pilat, avant... et après





















Mais il reste une remarque à formuler… Admettons, à ce stade, que les ‘services compétents’, c’est encore tout à fait possible, aient commis une incroyable suite d’erreurs par manque d’informations, photos ou documents. Si les travaux eurent lieu loin du Pilat, ce manque est compréhensible. En échange, ce qui est beaucoup moins compréhensible, c’est la suite de ces remises en place, ou fin de travaux sur place. En effet, il est certain que nombreux sont ceux qui connaissaient les sujets en détails avant leur ‘rajeunissement’ programmé… Sur ce grand nombre… pas un seul ne s’est insurgé, inquiété ou questionné sur ces modifications qui ne pouvaient pas leur échapper! Pas un seul n’est allé demander ce qui s‘était passé, ou sur quel critère ‘on’ avait accompli ces transformations! Et pire encore… pas un seul n’en a fait mention en public! Si, pour certains services, une bévue involontaire est acceptable, que dire en échange du silence de ceux qui immanquablement voyaient les erreurs faites sans les dénoncer ? Et parmi ces derniers se trouvent, n’en doutons pas, de grands défenseurs (officiels et amateurs) du patrimoine de la région du Pilat, de grands historiens, de grandes vocations historiques ou culturelles, de grands grincheux ‘chercheurs de poux dans les tonsures’… ou de grands chercheurs de vérité, qu’elle soit religieuse, profane ou plus hermétique. Dans cette liste, qui s’est insurgé ? Qui l’a fait savoir ? Qui a demandé au moins « pourquoi » ?... Raymond Graü serait-il si loin de nous que personne ne bouge? Ou peut-être, encore, devenons-nous nous demander… qui eut peur du grand méchant loup ? Quoiqu’il en soit, la question reste tout simplement poser : pourquoi tout ça ???

Cependant, que tous se rassurent, ou s’inquiètent, nous ne faisons que commencer cette liste pour le moins curieuse et déplorable, qui ne manquera pas d’être complétée au fil de nos travaux.

NB : Vous savez d’autres ‘vestiges’ dignes d’intérêt sur cette région ? Vous souhaitez en donner connaissance ? Merci, en ce cas, de nous contacter ou de nous faire parvenir, même de manière anonyme, votre dossier ou vos clichés.

A suivre !!!!

André Douzet Le 4 mai 2012

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