4 avril - porte bonheur et porte malheur
Dans une maison, une propriété, un bâtiment quel qu’il soit en définitif, autrefois on tentait d’y tenir le bonheur et faute d’y parvenir complètement on espérait d’en éloigner le malheur. Les scientifiques, archéologues et autres experts pensent que la ‘vision’ de cette attente, du mieux ou moins mal pour nos propriétés, remontent loin dans le temps, aussi loin que l’idée de propriété nous soit arrivé, comme le montre les vestiges de superstition retrouvés sur les humains ou les restes de leurs bâtiments. Ainsi, de notre superstition lointaine sont nés nos croyances d’espoirs et désespoirs avec leurs bagages d’objets et éléments pouvant, selon certains rituels, nous apporter les effets de nos attentes. On retrouve déjà au néolithique des graffitis et pictogrammes que nos scientifiques classent comme ‘traces de superstitions’… Au fur et à mesure que nous avançons dans notre histoire, nous sophistiquons nos techniques et supports à ces effets de protection ou d’attaque. Ce sont souvent des éléments que nous dirons ‘transportables’ ou ‘fixes’ pour simplifier le sujet. Le ‘fixe’ sera souvent gravé ou tracé dans et sur les matériaux des constructions. Il devient statique et considéré pour voyager dans le temps avec son support et lui donner les effets demandés aussi longtemps que le ‘signe’ reste présent. Le ‘transportable’ est destiné aux mêmes résultats. Cependant, il peut être porté sur soi, déposé provisoirement en un endroit de la propriété ou en tout lieu choisi par la personne demanderesse. Ces éléments peuvent se présenter sous une infinité de formes, de couleurs, d’événements, bruits, objets, humains ou animaux, voire odeurs… pour ne donner que ces exemples. C’est ce qu’on appellera le ‘le porte-bonheur’ ou ce qu’on estimera être un ‘porte-malheur’. Nous serions alors en présence du bien ou mal, blanc ou noir, positif ou négatif à court et long terme. En principe à chaque mal son remède en bien… et inversement bien entendu.
Notre collectionneur d’étrange ne pouvait rester étranger à ces aspects antinomiques, dualistes ou porteurs de bien et mal.
Pour l’instant, arrêtons-nous devant la vitrine ‘superstition populaire’. Parmi ses occupants nous choisirons, pour l’instant, deux représentants de ces ‘bons et mauvais’ émetteurs. Pour ce premier choix nous abordons un premier problème, ou plutôt une évidence à deux volets. Sans entrer le moins du monde dans la polémique, nous dirons tout d’abord que nous observons deux mondes différents mais tellement semblables qu’on ne peut distinguer finement ou l’un commence et ou l’autre s’arrête. En fait, notre collectionneur pensait qu’ils s’interpénétraient subtilement et ne pouvaient exister qu’en étant ensemble. Il voulait parler de la partie religieuse et de celle du paganisme (croyance liée au vieux ‘pagus’ local). Ce sont ces deux aspects en principe aux antipodes l’un de l’autre mais toujours se côtoyant au plus près.
Tout d’abord regardons un livre de petite taille (12,5 X 16cm) avec 1ère de couverture en quadrichromie : « Ce qui porte bonheur ! Ce qui porte malheur ! », de J. Renoux, vendu au 71, rue Richelieu à paris ; édité entre 1910 et 1920.
Une typique édition populaire de 50 pages, se répartissant selon la table des matières en : I - Les présents de l’homme, de la femme. II - Les mois de naissance et leur fétiche III. - Les chiffres. Les dates. Les nombres. Les jours heureux et malheureux. IV - Les pierres précieuses. Les animaux. Les couleurs. V - Les gestes. Les signes. Les rencontres. - Conclusion. Un petit format sans prétention, mais assez complet pour un premier parcours dans ces domaines de la chance et du malheur pour un prix des plus abordables de 25 centimes de l’époque, soit 1,64 euro, c’est dire cette activité à la portée de toutes et tous
! Le succès attendu dut être au rendez-vous si on considère la difficulté à en trouver un exemplaire en occasion chez les bouquinistes. Un petit bijou en la matière.
Lors de sa découverte, par notre collectionneur, le livret était dans une enveloppe de papier Kraft avec un pendentif semblant l’accompagner puisqu’il s’y trouvait attaché par une ficelle en largeur du livre. Une fine lacette de cuir portant un soleil surmontant une lune horizontal. L’ensemble semble de l’époque d’édition car le lacet de cuir, enroulé sur lui-même, est devenu si rigide qu’il est impossible de le ‘dérouler’ sans le briser, ce qui ne semble pas utile ni nécessaire à ce moment. Le pendentif illustre les astres de jour et de nuit… donc les blanc et noir, les bonheur et malheur, un fidèle reflet du contenu du modeste petit ouvrage. C’est ainsi qu’il en est dit pour le bref volet ‘paganiste’.
Et nous voilà au second volet s’ouvrant, lui sur une vision protectrice de la religion catholique. Une fois encore nous sommes devant un livret. Cependant celui-ci est très petit : 6X9,5cm… Il a pour titre ’SAINT SUAIRE’ et sous-titre EPINAL, chez Pellerin, Imprimeur-Libraire. L’image présentée à la verticale montre 3 personnages derrière le St Suaire qu’ils tiennent tendu par les angles, zvec en sous image ‘O St Suaire de Jésus-Christ préservez-nous de tous les malheurs ! Ainsi soit-il. Les 3 hommes mitrés seraient Saint Jean, saint Joseph d’Arimathie et Nicodème. Ce petit livre comporte 16 pages se répartissant en 2 parties : 1- INDULGENCES avec 3 oraisons. 2- 3 CANTIQUES. Il est expertisé de la fin du 18e siècle. Exemplaire peu connu car il s’agit d’une édition assez limitée à un seul ordre religieux. Evidemment, on comprend l’aspect religieux ouvrant sur une protection ‘sacrée’ ici symbolisée par un St Suaire des plus protecteurs comme le promet en 1ère de couverture « préservez-nous de tous les malheurs ». De fait, si le paroissien se plie à l’exercice des prières il est logiquement sous la protection de la Ste relique qu’est le suaire. Evidemment, la maison religieuse ou laïque détenant ce rare lien protecteur se devait de conserver jalousement ce petit livret relique à l’abri des regards et de la lumière. C’est dans une boite de tabac en bois déposée sous une lame de plancher amovible que le dépôt fut retrouvé dans une ferme du Pilat.
Comme le premier livre était confiné avec son ‘talisman’, celui-là s’est retrouvé lui-aussi soigneusement rangé dans un ancien portefeuille de cuir fin avec une série de médailles bénites enfilées sur une épingle de nourrice. Elles sont toutes mariales ou liée à des saintes de notre province en fer blanc, sauf deux en cuivre émaillées de bleu, une en argent et une minuscule clé à cylindre en bronze, avec une étiquette ‘clé du cœur saint protégez-nous’. Dépôt sans valeur monétaire, il va sans dire mais sans doute véritable trésor d’immense valeur pour les paroissiens ou religieux animés d’une foi illimité dans sa bienveillance.
Pour notre musée ces deux éléments sont du même domaine des superstitions, qu’elles soient populaires ou religieuses, aboutissant en fin de compte au même espoir de protection des humains de ces contrées confrontés parfois à des avatars qu’ils ne pouvaient comprendre et forcément liés aux forces du mal…
André Douzet
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