27 mars - le jeu d'échec de Lewis
Parmi les thèmes ponctuels ou saisonniers de notre musée nous abordons parfois le domaine
Le jeu, en fin de compte, est avant tout une école d’apprentissage de la vie qui, sous couvert de distractions ludiques, capte l’attention des enfants en leur inculquant les rudiments de la vie qui les attend dès leur sortie d’enfance. Ces loisirs se répartissent en trois grandes catégories : jeux pour garçon, fille, les deux. On trouve dans ces cadres les distractions spécifiques aux garçons : construction, petits soldats, voitures, sportifs, armes (inoffensives) et autres du genre. Pour les filles, elles seront vite dirigées vers des activités spécifiquement féminines, dinettes, coutures, maîtresse de maison, poupée et accessoires, autres du genre. Pour les deux, les jeux de société ou de récréation… etc, etc.
Dans ce cadre nous proposons plus d’une centaine de jeux d’enfants et autres de société. Parmi ces loisirs, nous avions approché le jeu et la culture et, pour ce, le jeu d’échec nous semblait séduisant et des plus complets. Nos réserves comprenaient plusieurs de ces jeux attachants par l’originalité des pièces et la finesse de certaines, venant de loin dans l’espace et le temps. A cet effet, nous choisissons ici un exemplaire parfait d’un loisir au début réservé à l’aristocratie qui évoluera en jeu populaire encore que tourné vers une sorte de choix de personnes intéressées par la stratégie, voire une forme de philosophie adaptée à une vision plus élaborée du jeu d’échec. Mettre un adversaire… « échec et mat » sans la moindre animosité que celle de gagner sur un terrain propre aux ouvertures de l’esprit.
Le jeu que nous retenons est celui appelé ‘Jeu de Lewis’ en raison de l’île de ce nom en Ecosse. Une autre hypothèse avance une origine norvégienne puisqu’il aurait été expertisé comme ayant appartenu à un trésor viking. Quoiqu’il en soit, la date avancée est du XIIe siècle, et est retrouvé dans une cache en 1831. Il s’agit d’un travail quasiment unique et d’une extraordinaire minutie au niveau des 36 pièces et de la boite du socle. Cet ensemble est détenu par les musées nationaux d’Ecosse (11 des pièces) et les autres pièces se trouvent au British Museum avec d’autres composant plusieurs jeux du même style. En défense de morse ou d’os de baleine, les personnages montrent des visages expressifs inquiets ou coléreux. Les tours sont remplacées par des guerriers, dont un de ceux-ci mord son bouclier dans une expression de cruauté. Les pions semblent des pierres tombales, des stèles à entrelacs wisigoths. Les originaux ont près de 8cm de haut selon les pièces. Les nôtres sont réduites à 4,5 cm en moyenne pour un plateau de 22cm de diamètre. Une boite, à l’origine en placage d’ivoire de morse contient un coffre compartimenté. Il reçoit les pièces avec, au-dessus, un couvercle présentant le plateau de jeu, toujours dans la même matière, dont le motif des cases ‘noires’ est décoré d’entrelacs.
Ce genre de jeu montre, par les postures et expressions particulièrement attentives, craintives ou colériques, en tous cas non passives, que certaines parties pouvaient s’identifier à des passes d’armes, des règlements de conflits entre seigneurs et autres différends.
On trouvera dans plusieurs scénarios de films ce jeu de Lewis semblant s’impliquer à merveille dans le fond du thème. Comme pour le film (2001) ‘Harry Potter à l’école des sorciers’, avec un plateau de jeu de sorcier agrémenté d’une exceptionnelle reine rouge. Dans ‘The Chessmen’ (les pièces d’échec) de Peter May, un des héros taille les pièces de ce jeu pour une animation. Notons aussi que dans la partie d’échec entre deux souverains des pions, rois, chevailers, fantassins et chevaliers de ce jeu figurent en bonne place dans Age of Empires II The Age of Kings…
On prétend que, les monarques de la couronne de France au 14e siècle, auraient commandé un jeu construit, magiquement pour leurs destinées, composé d’un échiquier magique avec des pions ‘envoûtés’ permettant d’influencer les orientations du royaume. Peu avant la Révolution, le coffre de ce jeu ayant disparu dans un incendie, sa disparition prophétisa la fin de la couronne de France…
Qui osera entamer une dernière partie avec notre échiquier dans la salle médiévale du musée ? Qui voudra essayer cette entreprise à la fois ludique mais peut-être magique ???
André Douzet
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