23 mars - le crapaud
Près de la reconstitution de « l’antre du sorcier » on peut voir la vitrine concernant la magie noire et la sorcellerie. Parmi les objets, venant du même endroit et du même rebouteux que le décor et dans laquelle est posé le ‘rituel de mort depuis un crapaud’.
Dans un large morceau de calotte crânienne est posé un crapaud sec la gueule cousue par une cordelette terminée d’une sorte d’aiguille de pierre néolithique. Si aujourd’hui ce batracien est totalement desséché, il ne l’était pas à l’origine de sa vie. Il était en bonne forme au moment où le ‘jeteux’ le sort du vivarium pour le rituel de mort. La personne venue pour demander la malédiction a apporté un témoin de son ennemi, le sorcier l’a demandé avec l’offrande en fixant la somme à payer pour ce travail. Ce témoin peut être un vestige de repas par exemple, un morceau d’étoffe ramassée derrière la future victime, n’importe quoi pourvu que ça ait appartenu ou tenu par cette dernière. Le rebouteux n’en prend qu’une petite partie (le reste pourrit dans un pot de putréfaction prévu à cet effet qui sera enterré aussi une fois la mort passée), petite car elle doit l’entrer de force dans la gueule du batracien qu’il tient ouverte de force. Cela étant fait, il coud les lèvres, tenant ainsi intimement mêlés l’animal et le témoin. Le rebouteux, ensuite, le place dans un large bocal transparent sur du sable humide et le recouvre de paille elle aussi humidifiée. Le crapaud ainsi appareillé va souffrir abominablement, sans arrêt, mais devra mettre un temps très long à mourir de souffrance et d’inanition dans son bocal de souffrance… sans rien, sans doute, comprendre à cette horreur.
Le sorcier ‘jeteux’ le sait, ce batracien va mourir lentement en souffrant l’abomination… pendant que loin de là (la distance ne compte pas) la victime, la cible de ce maléfice, va commencer à ne plus pouvoir s’alimenter, à souffrir mille morts contre lesquelles le médecin devra admettre son impuissance à ce mal contre lequel il avoue l’échec de sa médecine. Le sort est lancé et la ‘cible’ sera emportée dans l’horreur de son mal, son incapacité à pouvoir ne se nourrir ni trouver la paix que le mal obscur à imposer au fond des entrailles du batracien mourant lentement. Le rebouteux sera attentif à tenir le plus longtemps possible vivant l’animal, l’observera, en psalmodiant le rite de mort lancé par son savoir. Au loin à l’instant où la bête est délivrée de la souffrance en s’éteignant enfin, la victime expire aussi à cet instant. Ensuite le ‘jeteux’ laissera sécher le crapaud dans le réceptacle d’une boite crânienne humaine que le fossoyeur du village lui apporte contre quelques médecines. Plus tard en faisant de nouvelles places dans l’enclos des morts, tout près au nord de l’église paroissiale, il trouvera un corps qu’il décrit ‘sec comme un coup de trique’. Le prêtre appelé sur la nécropole s’interrogera sur ce corps séché comme une momie convulsée, sur l’horreur des traits resté crispés sous la peau parcheminée du visage cadavérique. Il sera le seul à s’interroger car personne dans le hameau n’osera apporter la monstrueuse réponse. Le rite de mort depuis un crapaud s’est accompli.
Ce rite était en vigueur dans les contrées du vieux pagus de Pilat et au-delà. Bien plus loin comme nous le rapporteront les vieilles chroniques et histoires légendaires racontées les soirs d’hiver quand la tempête gémissant de rage tente de filtrer, comme un démon, sous la porte de la salle commune où s’est rassemblée la famille autour de l’âtre pendant que l’aïeule conte à voix basse ce cérémoniel ancestrale de mise à mort de l’homme et la bête liée ensemble sous l’effet du ‘rhabilleur’ du hameau loin du village et de ses habitants.
Ce témoin des croyances anciennes, obscures, est des plus rares car on le détruisait au moment de l’agrandissement de l’enclos des morts… c’est pourquoi il est conservé intact dans notre petit musée.
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