21 mars 2020 - La tuile à loups
La tuile à loups
Près du cabinet d’alchimie, sur une des ‘paillasses’ du magistère, repose une pierre plate percée de trois trous disposés en triangle.
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Cette lauze provient d’une bâtisse formant hameau, déjà répertorié aux temps carolingiens, au-dessus de Féouzet sur la commune de St Pierreville. On sait que ce genre de pierre se trouvait usitée et signalée déjà avant la Révolution.
Autrefois, au moment de faire ou rénover la couverture plusieurs tonnes de lauzes étaient nécessaires à cette partie de la construction pouvant par le poids et la solidité de la matière protéger et prolonger les murailles des injures du temps. Les hivers en ces régions où la superstition était coutumière, se montraient particulièrement rigoureux. Aussi était-il autant utile de se protéger des intempéries certes, mais également des prédateurs et mauvais coups du sort démonologique. A ces effets on confiait sa sécurité à sa toiture et aux protections magiques. On confiait les travaux de couverture à un artisan local, tout d’abord pour faire travailler sa commune et ses habitant certes, mais également parce que cet homme SAVAIT les réalités météorologiques régionales. Un fois les travaux engagés, en été pour la facilité d’exécution, il ne lui restait qu’à implanter la fameuse tuile à loups. Les lauzes sont toutes installées à l’horizontale pendant que seule la magique tuile était posée scellée verticalement au fait du toit. L’hiver, au moment ou la ‘cibère’ commençait à souffler un froid terrible s’installait par fois jusqu’à un mois de durée. Un froid des plus sévères régnait sur ces hauts plateaux obligeant l’Homme à se retrancher près des foyers en attendant la fin des froids cibériques. Pendant ce temps encore plus haut dans les forêts les loups commencent à manquer cruellement de proies pour supporter cette terrible météo. C’est alors que sous les rafales de vent, ‘la tuiles à loups’ émettait un ronflement provoqué par les orifices… un bruit sourd se transmettant aux murs du bâtiment du fait des mortiers scellant l’ensemble des appareillages jusqu’au fait de la tuile. Près du grand âtre le plaintif ronflement parvenait plus inquiétant dans le crépitement des flammes. Le maître de la ferme du hameau annonçait alors à voix basse « la tuile a ronflé, les loups vont arriver »… et les loups n’ayant plus rien à se mettre sous les crocs descendaient pour s’attaquer aux étables et poulaillers que l’homme prévenu défendait de pieds ferme ! Cependant dans ces arrières communes on a peur du loup à forme diabolique amplifiée par les bourrasques de tempêtes.
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Aussi l’été le couvreur plantait la tuile, percée de ses trous en triangle, dans le mortier de scellement du faitage. A ce moment sur la toiture se trouve notre ouvrier, le maître de la bâtisse et le père curé de la paroisse. Si le ‘patron’ est satisfait des travaux, il sort son argent, compte le prix prévu et les billets changent de main. A ce moment le prêtre intervient. Certes, explique-t-il, il faut combattre et se protéger de cette bête pharamineuse grâce à cette tuile et ses trous percés par le couvreur pierrier, cependant ces trois trous, oui, font leur office dans n’importe quelle position… Cependant, les mettre en triangle apporte, en plus de cette indispensable alerte, la protection divine car les trois trous représentent… le Père, le Fils et le Saint-Esprit ! Ainsi l’utile devient une arme contre le démon par la grâce des forces de la petite église romane du vieux hameau… et quelques billets atterrissent dans la main du vieux curé ayant prononcé une prière adaptée aux circonstances et béni la tuile, avec sa toiture, contre les ‘forces du mal’ ; Les légendes et superstitions feront tout le reste !!! Les rebouteux, sorciers et pères curés y trouveront leurs comptes. Par ailleurs un nom était accordé à chaque tuile, lui conférant ainsi une personnalité, une marraine pour cette sorte de ‘baptême’ volontiers, mais discrètement, apporté par le vieux curé du hameau. C’est ainsi qu’au plus haut de la ferme la protection se répondait généreuse et bienveillante.
Avec le temps, et les nouveaux matériaux, on abandonnera les lauzes pour d’autres matières, pendant que les loups disparaissent des forêts ancestrales, une disparition vue par les paysans (habitant du pays !) obtenue forcément par effet magique, occulte et faisant appel aux forces sombres des croyances religieuse et païennes. Les tuiles à loups disparaîtront sous les démolitions. On peut compter moins de 5 ou 6 de ces témoins dans les ‘écomusées’ locaux de nos contrées… dont celle que vous pourrez voir et toucher dans notre petit musée de l’étrange où elle conserve toute sa succulente auréole de peur et d’espoir. Les vieilles forces magiques et ancestrales veillent sur le hameau sur lesquels rode toujours l’ombre terrifiante de la bête du Gévaudan!
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André Douzet
Liens : http://tuilesauxloups.com/tuiles_a_loups.php
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