21 avril - le sas d'entrée
Une fois la porte de l’entrée principale franchie, les personnes voulant visiter notre musée se retrouvent dans le sas où ils reçoivent des informations concernant les collections, leur origine, et toutes explications indispensables comme par exemple les avertissements à propos de certaines reconstitutions et leurs raisons d’être ici et comment les percevoir. Souvent le visiteur s’interroge sur le petit sarcophage de pierre qu’il découvre sur la gauche. A l’origine, avant notre arrivée, le passant ne trouvait face à lui qu’un couloir large et obscur qui fut une très ancienne ruelle desservant un quartier de l’ancien fort datant de Girard de Roussillon. Avec les siècles, l’occupation évolue peu à peu jusqu’à devenir un lieu de vie sédentaire occupé à ses activités les plus courantes. Parmi celles-ci, par exemple le stockage de barriques de vin dans des caves ou règne une température quasiment constante idéale, été comme hiver à la maturation des vins et autres du genre. A cet effet, il était indispensable que les tonneaux souvent très lourds, et de fait ne pouvant pas être portés, soient aisément roulés sur une pente de terre battue et non des escaliers qui auraient fait obstacles à ce genre de manipulation. Cependant, lors de nos premiers travaux, il s’avère qu’une telle rampe de terre ne se montre guère commode à des déplacements et déambulations. Pour nos visites dans des conditions normales, ces aménagements demandent de remplacer la terre battue par la volée de marches d’escaliers, en place à présent, permettant un accès plus confortable et conforme à cet usage comme le visiteur le voit en l’état à présent.
De fait, lors de ces travaux de terrassement, il fut nécessaire de décaisser plusieurs mètres cubes de terre, libérant ainsi les couches d’occupations les plus anciennes des lieux. Ces décaissements montrent un endroit ayant, sans doute eu fonction de nécropole en un temps complètement oubliés des hommes, probablement des origines wisigothes du fortin primitif au vu de la forme de ce sarcophage, hélas vide de tout vestige humain sans doute déjà violé depuis des siècles. Les dimensions de la petite cuve funéraire montre qu’à l’évidence elle ne put contenir que la dépouille d’un enfant. C’est pourquoi, nous étant procuré un squelette humain, en résine, de petite taille (environ un humain de 3 ou 4 ans) nous l’avons déposé là comme il devait en être à ces très anciennes époques des premiers wisigoths. Avec ce petit squelette nous avons remis, dans la petite cuve funéraire, tous les vestiges osseux, tessons d’anciennes poteries et éclats de marbres gallo-romains retrouvés là. C’est ce que peut voir le visiteur minutieux et curieux en entrant dans l’étrange monde de notre musée.
Mais ce ne devait pas être tout, en avions-nous décidé au moment de ces installations nouvelles se superposant aux vestiges d’un passé que nous nous devions de respecter au mieux. Comme le montre les vieux terriers (ancêtres de nos cadastres napoléoniens), et compoix médiévaux, nous sommes sur un quartier, qui fut sans doute celui du primitif St Sernin, dont le vieux sanctuaire est devenu Musée des Mariniers. En toute logique il nous semblait de bon ton que, dès l’accès de notre étrange musée, le visiteur curieux du passé puisse à la fois fouler cette antique chaussée, à présent dans nos murs, et à la fois une des plus anciennes fresques de cette commune de Serrières voire de celles alentours jusqu’à ce jour.
Aussi, puisque nous eûmes l’insigne plaisir de visiter les combles du vieux sanctuaire il nous fut permis de nous glisser (à travers rats, chats, pigeons et chauves-souris desséchées par la mort en ces hauts-lieux. C’est en parallèle, et équilibre architectural, que nous trouvions une ‘chapelle haute’ dont les murs étaient recouverts de fresques à la détrempe représentant une Vierge présentant l’enfant à des… hommes en hauberts, présentés leurs armes tirées ou en passe de l’être. De plus, en arrière-plan de cette improbable scène de la nativité l’artiste voulu représenter les ‘Rois-Mages’ qui, là, sont au nombre de quatre au lieu des trois traditionnellement présents lors de la nativité. Le peintre voulu illustrer quelque chose sur ces murs. Sans doute s’agit-il d’un événement nous dépassant ici, et dont il eut connaissance ou mission de reproduire. De ce probable destin, l’obscure messager peignit ses étranges, et trop nombreux rois venus d’Orient pour l’Adoration. De plus, il les montre quittant la sainte scène avec précipitation et des expressions d’indignités coléreuses que le peintre sut parfaitement rendre expressives dans tout son art, un art qu’il confie à cette époque carolingienne aux murs de cette formidable et simple chapelle-haute.
Nous pouvons affirmer que cette peinture à la détrempe peut être datée des temps carolingiens en raison des formes de hauberts et port des fourreaux d’épée, à cette époque engagés sous la côte de maille laissant seulement voir la garde de l’arme et la fin de son fourreau… comme le voulait l’armement d’alors.
Certes ce vénérable ornement mural a de quoi intriguer et interroger l’étrangeté de l’histoire à la fois religieuse, traditionnelle, mythique et hermétique… et les vieilles coutumes ancestrales oubliées à jamais (à moins que…) dans ce sanctuaire d’un autre âge et d’un autre lieu. Peut-être, au demeurant, est-il mieux que ce témoin voulu caché, s’efface à présent sous la dégradation des excréments de pigeons finissant par l’effacer à jamais des vieilles mémoires de St Sernin. Triste fin. Mais au fait, une dernière question (provisoirement car l’étrange est une perpétuelle question, non ?) doit nous interloquer ici. En effet car si chapelle haute il y eut dans ce sanctuaire, à qui pouvait-elle être destinée, puisque par définition seul un roi ou sa lignée immédiate peut y faire ses dévotions ? Le mystère, chers visiteurs, reste entier et peut-être est-il à vous de le découvrir au pas des quatre rois-mages furieux et décampant sous le regard d’homme d’arme décidés… ainsi le musée de l’Etrange retiendra peut-être votre attention. Il restera, quoiqu’il en soit à revenir avec vous pour une seconde partie des étrangetés du sas d’entrée de nos locaux.
André Douzet
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