2 avril - les livres étranges
Qui étudie des sciences considérées ‘parallèles’ passe obligatoirement par la case ‘livres’. Ce dernier est à la fois une mémoire, une archive infinie, une base de données souvent inépuisable, un recueil d’expériences et une façon de transmission des plus efficaces. Là, on a un moyen de faire passer l’info des plus simples et efficaces. Mon ancêtre (celui qui accumulait les 1500 pièces du musée) me disait « en cas de catastrophe nous pouvons être privés d’énergie électrique donc plus d’accès à des bases de données depuis des ordinateurs, plus d’énergie pour des imprimantes, mémoires en disque, clé et autre disque dur… c’est fini, tout ce qui nous permet de poursuivre une prospection est éteint et nous ne pouvons aller plus loin et pire encore, nous commençons à régresser. En échange, tant qu’il y aura un enfant et un adulte et que ce dernier lui dira ‘voilà, B et A ça fait BA…’, après ce principe de base tu liras TOUT le reste sur les rayons de la bibliothèque et tu seras éduqué. Pour ça pas besoin d’électricité, à la lumière du jour tu pourras te nourrir au savoir des livres ». Il avait raison, aujourd’hui notre bibliothèque de famille approche les 5500 ouvrages avec les plus anciens étant des manuscrits.
En terme de curiosités insolites certains ouvrages étaient à eux seuls une somme de savoir assez complet en ces sujets. Un immense savoir en un petit volume. Dans les vitrines, décors, reconstitutions et sujets près de 200 livres sont répartis avec leurs thèmes et sujets. Ne pas faire état de ces ouvrages revient à ne pas aborder le sujet de notre petit musée. Aussi dans cette tentative de ‘dérider le désert’, se dressant devant nous avec ce temps de cet implacable confinement, nous reviendrons sur divers de ces volume comme nous l’avons fait pour les travaux de l’abbé André Glory et plus anciens encore avec les feuilles de bois écrites retrouvées dans les murs de la forteresse de Monségur.
En s’engageant autours de la vitrine ‘cabinet de curiosité’, les visiteurs rencontrent plusieurs livres que nous qualifions d’ésotériques ou magiques. Ce sont le plus souvent des ouvrages de petit format, environ 10 X 15 cm. Ce sont des livres anciens et donc d’une belle qualité de reliure et imprimerie. Nous retrouvons la les plus connus tels : ‘Le vieillard des Pyramides’ , ‘La Poule Noire‘, ’La chouette noire’, le ‘KALENDRIER DES BERGIERS’ (orthographié ainsi), ‘Le livre des herbes maudites’, ‘Magie et sortilèges’ et plusieurs autres de la même eau. Parmi ces ouvrages tous des 19 et début 20ème siècle, sauf le fameux ‘Kalendrier’ nettement plus ancien, puisqu’imprimé par Gutenberg. Et nous voilà tout naturellement arrivés devant plusieurs exemplaires d’un des grands classiques en termes de ‘magie et ésotérisme’, le fameux : ‘Petit Albert’. Sous ce nom se cache un dominicain chimiste, philosophe, naturaliste et théologien. Il sera également évêque et Maître en université, avec Thomas d’Aquin pour élève… Etrangement, il combat l’hérésie tout en collectionnant avec une avide curiosité, les récits de sorcellerie, magie et occultisme. Une conduite paradoxale finissant dans le célèbre adage ‘faites ce que je dis et pas ce que je fais'. De ces collections souvent obtenues sous la contrainte et les tortures il fera des ouvrages faisant paradoxalement autorité dans les thèmes qu’il combat avec l’ardeur des feux de l’Enfer ! Etonnant, non ?
Né en Bavière, aux environs de 1200, il meurt le 15 novembre 1280. Il laisse une somme considérable de notes et écrits faisant autorité à son époque et encore au long des siècles. Il a pour nom Albrecht von Bollstädt et sera connu sous celui d’Albert Magnus, soit Albert le Grand. Les livres de son époque étant de petit formats, 8 X 14 cm, par mimétisme l’ouvrage sera connu sous le titre de ‘Petit Albert’, puis plus tard pour colmater le manque de réalisme, par rapport à la maîtrise de cet homme à la culture hors norme, les éditions prendront le nom de ‘petit et grand Albert’, ou carrément ‘Grand Albert’. Quoiqu’il en sera le travail sera celui d’une immense compilation d’érudit fasciné par l’ésotérisme, les sciences naturelles et autres magie.
Nos collections en terme de ‘Petits et grand Albert’ approche les 120 éditions différentes depuis une des plus anciennes jusqu’aux rééditions récentes. Nous observons cependant quelques éléments à propos des rééditions. Effectivement, elles sont souvent montrées comme ‘conformes à l’original’. Or, si nous regardons certaines de ces reproductions nous constatons de grandes différences en terme de ‘copie conforme ‘ comme par exemple l’édition Pierre Belfond de 1970 avec pour dimensions 18 X 22,5 cm, épaisseur 3,5… et 280 pages pour des dimensions originales de 8 X14 cm et 2cm d’épaisseurs avec 307 pages et des dates montant au 17ème siècle. Guère de correspondances même si on considère les différences d’imprimerie et reliure des deux temps. Simplement au gré des rééditions, les éditeurs n’iront pas avec le dos de la cuillère. Ils empileront sous ce titre alléchant et prometteur de sensationnel d’autres petits documents qu’ils ne savent pas comment utiliser. L’appât fonctionne bien, et… passez muscade ! C’est ainsi que sur les 120 éditions, nous n’en avons pas deux identiques et pourtant toutes réputées ‘conforme à l’original’. Cependant nous disposons et présentons des éditions montrant d’intéressantes différences. Certes la plus ancienne est reliée en parchemin sans titre ni texte en première, seconde, troisième et quatrième de couverture. Elle contient les rares planches dépliantes en 4plis aux paginations 47, 116, 182 et 233… faisant de ce petit livre une des rares éditions entièrement complète, et que nous présentons sur les rayons de la bibliothèque du musée de l’étrange. Ensuite une édition (137 pages) avec cachet de la Préfecture pour une rare vente en colportage (pour la Seine) ‘de maison en maison au début 19ème siècle… un Petit Albert de 107 page avec en page titre un sceau de signature ‘infernale’. Et un exemplaire des fameuse imprimeries des ‘Héritiers Beringos’ à Lyon spécialisée en ces ouvrages ! Les autres parfois descendent sur les rayons du musée le temps d’une plus large vision de ces curieux ‘Petit Albert’ montrant que cette passion livresque ne s’est jamais éteinte, bien au contraire. Et nous vous souhaitons au fil des pages et éditions que comme l’annonce la préface de l’édition de 1791 « … de telles choses profitables, méritoires retiendrons votre attentivité à seule fin de meubler votre intellectibilité autant que votre souvenance pour votre avantage et aussi pour le profit d’autrui »…
André Douzet
Comments