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12 avril - Les pierres douces pour les yeux

Dans le ‘cabinet des curiosités’ se trouvent plusieurs centaines de pièces se répartissant largement dans différents domaines le plus souvent sans le moindre rapport les unes par rapport aux autres. Cependant dans cette réunion d’éléments pour ces objets disparates le seul point commun les unissant reste l’insolite lié au fait que ces objets, semblant usuels, aient tous une fonction utile dans des besoins de tous les jours avec des résultats étonnants, mais tangibles, qui aujourd’hui peuvent nous paraitre totalement désuets. Et pourtant…


Oui, et pourtant. Et pourtant il arrivait parfois que le désuet le soit autant, voire plus encore, qu’il savait se montrer efficace, et c’est ce ‘et pourtant’ que nous allons rencontrer ici. En effet, qui d’entre nous n’a jamais eu … une poussière dans l’œil ? C’est d’abord cette minuscule parcelle qui vient se ficher sur votre œil ou s’y sentir à l’aise sous vos paupières où elle se promène tranquillement au mépris de votre plus grand détriment douloureux. Et ça ne fait que commencer, car ce qui commence par une gêne passagère va s’amplifier par le fait qu’au commencement cette poussière vous agace et d’instinct vous allez vous frotter l’œil. Et ça va aller très vite si vous ne pouvez faire glisser cette saleté hors de votre paupière. Vous allez frotter, gratter, d’un revers de manche ou du doigt, l’endroit sensible… et il va devenir sensible de plus en plus et de plus en plus vous frotterez. Ces réflexes vite spontanés vont se coupler avec une irritation. Cette dernière ira grandissante jusqu’au moment où cette pénibilité vous poussera jusqu’à votre pharmacien préféré. Il vous préconisera un collyre ou encore une sorte de coque et un liquide apaisant en vous conseillant un ‘bain d’œil’ qui viendra à bout cette irritante poussière vous mettant l’œil en feu. Ces produits pharmaceutiques finiront par venir à bout du parasite et l’expulser de sous vos paupières. Ensuite, les gouttes de collyre vous apaiseront très vite. Après une nuit de sommeil, reposante pour votre œil, il ne restera rien de cet ennui somme toute anodin mais hélas inévitable et si fréquent.


Bien entendu, nous vivons ces irritations fréquemment et l’arsenal pharmaceutique ‘sans ordonnance’ permet de venir à bout de cette irritation à moindre frais et souvent dès l’usage du collyre ou des liquides de nettoyages des yeux. Et pour nous, ce genre de petit ennui reste des plus habituels, bénins et sans grand intérêt. On n'y pense plus, car nous avons tous ces produits dans nos petites armoires à pharmacie ou trousse de secours.


Mais à présent venons-en au moment où nos ancêtres, nos aïeux, se trouvaient confrontés à ces irritations oculaires. Les travaux domestiques ou journaliers quels qu’ils soient alors pouvaient finir un jour ou l’autre par provoquer une ‘escarbille’ dans l’œil. Un escarbille pouvant être d’une multitude d’origines professionnelles, les principales restant de poussières minérales, bois ou autres de métal, selon les métiers et activités au moment venu.

L’irritation autrefois et maintenant est la même. Seuls vont changer les réflexes des hommes relativement rudes de nos contrées. Aussi au contact de l’escarbille se logeant sous la paupière ou se plantant sur le globe oculaire, ces régionaux réagissent en se frottant aussi fermement qu’ils le peuvent de la manche de la veste et des doigts, les deux pas forcément des plus propres. Ainsi l’agacement s’accompagne des frottements plus vifs au fur et à mesure de la douleur qui évidemment va en croissant à ce rythme. Et la fin de journée arrivée notre travailleur se retrouve avec l’œil rouge comme après un coup reçu dessus… larmoyant et cette fois très douloureux. Pas de pharmacie avant le chef-lieu de canton parfois trop éloigné, pas de voiture automobile non plus pour s’y rendre. L’eau de la fontaine n’y suffit plus contre la douleur… Une seule solution en ce cas, se diriger vers le rebouteux.

Un examen rapide assure à l’homme sulfureux de quoi il est question. Sous la lampe à pétrole du plafond de la cuisine, il assoit l’ouvrier à l’œil gonflé à qui il a donné un linge trempé dans l’eau froide pour le poser en compresse. Il s’absente et se rend à la cave. Il y prend un bocal dans lequel trempe dans de l’alcool de coing, des sortes de porte-plumes. Il retourne sous la lampe et fixe à son poignet une sorte de large bracelet eu peau de mouton écrue. Dès lors, il sort en psalmodiant quelques mots auxquels notre paysan ne comprend rien sinon que ces mots semblent un rituel… durant lequel ‘l’homme qui enlève les douleurs’ essuie soigneusement les embouts de ses ‘porte-plumes’. Il apparait alors au bout de ces trois bâtons parfaitement lisses, non pas une plume de fer ‘Sergent-Major’ d’écriture scolaire, mais un embout prenant dans une sorte de cire à cachet noirâtre… trois pierres de couleurs différentes : verte, rouge et blanche. Elles sont soigneusement polies sur les angles et le dessus.



L’homme d’un geste calme et précis écarte les paupières dolentes en continuant sa mélopée. Ensuite tout ira très vite, sous la lampe qu’il a intensifiée, ajustant ses lunettes, il frotte tout d’abord sur la peau de mouton crue attachée à son poignet. Maintenant, il va soigneusement passer l’une des pointes de pierre sur le globe oculaire. Le frais de la pierre calme l’irritation et le malade sent d’abord un bien être… et puis un geste sec… c’est fini. C’est fini, car au bout de la pierre enchâssée sur son porte-plume git maintenant l’escarbille ne pouvant plus nuire au travailleur dolent. Une compresse froide sur l’œil, il a tendu quelque argent au rebouteux qui lui tend également une fiole qui servira à d’autres compresses le soir avant d’aller au lit et le matin, puis tout ira bien jusqu’à la prochaine escarbille…

Bien entendu nos ancêtres croyaient à celui qui enlevait le mal et à ses porte-plumes ne pouvant agir si bien qu’à l’aide de la mélopée forcément magique ou pire. L’explication est assez rationnelle et notre rebouteux aux senteurs de soufre savait parfaitement ce qu’il faisait, avec quoi et comment. Les pierres de couleur différentes étaient appropriées à des escarbilles différentes, une pour chacune. Ensuite, à la cave elles restaient trempées dans de l’eau bouillie mélangée à un alcool de coing (réputé pour les inflammations !). La peau de mouton crue sur laquelle l’homme ‘au savoir ‘ qui en frottant ses pierres de la sorte les rendaient électrostatiques. Et le tour était joué car en se promenant lentement, sur l’œil gonflé, la pierre devenue ‘statique’ tirait nette l’escarbille sans douleur mais avec précision. Le patient n’avait plus mal.


La mélopée ? Bien entendu sur ce sujet on ne sait que peu de chose. Servait-elle à distraire ou impressionner le malade ou autre ? On ne sait, mais le rebouteux assurait qu’ainsi il s’adressait à la poussière qui s’en allait coller sur le bout doux et froid de la pierre polie prétendue venir des plus lointaines origines des guérisseurs locaux… Qu’en est-il réellement, on ne le sait, ni le nom de ces pierres mais en tout cas la manipulation ne pouvait que soulager et extraire sans autre blessure la saleté dans l’œil… En regardant ces porte-pierres vous vous ferez votre propre opinion… à vous de … voir ?


André Douzet

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