11 avril - Une bien étrange statuette
Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers ce que nous appelons ‘la salle médiévale' de notre petit musée. C’est, ici le local où se termine la visite proprement dite. Nos visiteurs peuvent, à loisir, y consulter d’abord quelques-uns de nos ‘gros minéraux et fossiles’ peu usités et, de fait, rarement offerts à la vue du public. Ensuite, on peut y trouver des jouets anciens étant ceux d’une des personnes s’occupant des vitrines et reconstitutions dans nos locaux. Des jeux parmi lesquels se trouve inclus l’étrange jeu d’échecs que nous avons déjà vu un peu auparavant. A cela s’ajoutent quelques armes ‘blanches’ médiévales, javelots de chasse et de combat, avec des écus une épée, un calice et des coiffures de guerres évidemment reconstituées depuis des originaux. Enfin la grande table accueille les visiteurs à la fin de leur périple pour un moment d’échange sur nos collections et surtout cet instant où ils peuvent choisir leur ‘Pierre de Licorne’ comme nous l’expliquions dans l’élément n°22 : la corne de Licorne…
Enfin dans cette salle voûtée, une des plus anciennes parties de notre bâtiment, se trouvent les vitrines disposées en long et contenant les éléments archéologiques récupérés partiellement par le vieux collectionneur à l’origine des pièces du musée. Il s’agit là de pièces récupérées çà et là au gré des agriculteurs les remontant lors de travaux agricoles ou forestier, et tout autant de découvertes fortuites de chasseurs ou promeneurs. D’autres éléments que notre aïeul a pu récupérer auprès de quelques archéologues de la vallée du Gier, participant à des prospections et dont visiblement ils ne voulaient pas. Des éléments, également ramassés il y a parfois près d’un siècle environ sur différents lieux qui plus tard seront considérés comme sites répertoriés et historiés afin de séduire le touriste en quête d’insolite lors de ses vacances. Rien de plus ! Et puis, il y a aussi quelques découvertes réalisées auprès d’autochtones ayant, eux-aussi, récupéré auprès de bergers ou forestiers des pièces cette fois très anciennes, médiévales, antiques, wisigothes, voire préhistoriques ou même des époques du jurassique.
Parfois, nous avons eu la chance de récupérer des témoins d’un passé des plus intéressants, insolites, rares ou à présent bien courtisés et recherchés pour des raisons aussi variées que multiples. La statuette présentée cette fois est une de ces pièces que votre serviteur eut la chance de pouvoir récupérer, près de ceux ayant trouvé ces vestiges au cour de quelques promenades spéléologiques, il y a tellement longtemps de cela, en tous cas bien avant les dernières lois sur la découverte archéologique et leur législation, fort heureusement car de nos jours il en serait tout autrement, et nous n’aurions rien de ce genre dans ce département de notre musée.
Il s’agit d’une statuette en argile grisâtre, assez légère et sans doute mal cuite ou trop sommairement. Elle est creuse et pourrait avoir été prévue pour être plantée sur un support pour être tenue debout ou être brandie, tenue haute pour une possible ostentation. D’une hauteur de 17 cm, la forme simule une forme humanoïde debout avec les bras replié sur son thorax. Les… mains présentent 4 doigts chacune sans le pouce avec sur le dessus quatre formes circulaires en relief comme des pastilles superposées. La tête semble s’inspirer d’un modèle batracien une bouche large et droite sans dents visibles. Le ‘nez’ très étroit, comme coupé d’un long sillon de haut en bas, commence au sommet du crâne et descend jusqu’à deux narines écrasées au bord de la bouche. Des yeux protubérants mais effilés sont en position ouverte. Des oreilles rectangulaires plates aussi partagées en deux. Le cou de cette ‘créature parait orné d’une sorte de collier surmonté de huit petits trous.
On peut imaginer que la tête puisse ressembler à une sorte de casque avec des rivets sur le devant. Bien entendu ce n’est qu’un commentaire de mimétisme sans pour autant pencher dans le sens d’un scaphandre pourtant facile à imaginer un peu gonflé avec des jambes boudinées finissant sur quatre orteils en creux… L’arrière, le dos ne présente aucun détail, dessin ou figuration.
L’endroit où elle fut découverte a produit d’autres sujets tous aussi étranges les uns que les
autres, tantôt des représentations de divinités ou humanoïdes. Nous sommes dans une immense grotte du secteur de Périllos, un petit village mort depuis la fin de la première guerre mondiale. Ce territoire dispose de nombreuses cavités naturelles certes, mais souvent aménagées en sépultures faisant de cette contrée une nécropole des plus complexes car utilisée à bien des époques éloignées les unes des autres, globalement de la préhistoire au début de notre ère avec une exception pour l’époque wisigothe. On a aucune idée de ce à quoi pouvait servir cette figurine… ni nous ni les experts qui purent l’examiner. Bien entendu sa forme pouvant s’identifier à un scaphandre nous a apporté une avalanche d’hypothèses allant d’un extra-terrestre (ben voyons !) à des créatures moitié animal et moitié humaine… suivi de très près de la flopée d’êtres aussi surnaturels que loufoques qu’on puisse imaginer. Quant à nous, nous restons prudents et préférons ne pas dire quoi que ce soit sur une possible ressemblance dont nous ne pouvons être certains. Le fait d’avoir été retrouvée dans une cavité du département de l’Aude ne signifie pas forcément qu’elle en soit originaire. Cette remarque ne fait qu’amplifier le problème car dans cette possibilité, même peu probable, l’énigme ne fait qu’amplifier sa solution, à savoir ses obscures origines, son époque et ses ‘pourquoi’, ‘pour qui’ et autres sans réponse.
Evidemment, nous avons cherché dans diverses documentations d’autres moulages ou productions s’inspirant de cette forme certes des plus étranges. Il est vrai que notre modèle peut de très très loin s’apparenter à d’autres formes de créatures ‘cousines’ de celle de nos collections. Les statuettes vaguement ressemblantes à notre modèle seraient toutes très anciennes et localisées sur d’autres continents, et se situant dans des civilisations disparates d’époques parfois très éloignées les unes des autres, par exemple origine orientales, péruviennes ou sahariennes pour ne citer que celles-ci. Cependant, à mieux y regarder, aucune de ces ‘cousines’ ne s’avère satisfaisante ou assez proche de notre ‘orphelin’ qui pour l’instant resterait sans attache possible à une civilisation, époque ou culte rituel funéraire ou autre.
Notre statuette reste une énigme, en semblant attendre son visiteur pouvant lui apporter une filiation toujours au stade de l’énigme et du domaine de l’étrange jusqu’à ce que vous puissiez donner une piste sur sa parenté mystérieuse.
A bientôt devant cette vitrine d’étrange archéologie.
André Douzet
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